Le report du décret BACS annoncé hier pourrait passer pour une pause dans la marche réglementaire. En réalité, c’est tout l’inverse : le gouvernement ajuste le calendrier, mais confirme la trajectoire. Pour les responsables techniques et énergie. L’enjeu est clair : comprendre ce que ce changement rebat et ce qu’il ne rebat pas, afin d’anticiper les prochaines étapes et maintenir le cap de la performance énergétique des bâtiments tertiaires. Voici ce qu’il faut retenir, point par point.
Un report du décret BACS : ajustement national, continuité européenne
L’annonce du Premier ministre lors du 107ᵉ Congrès des maires acte officiellement un report des échéances du décret BACS, initialement prévues en 2025. C’est un mouvement fort, mais qui n’a pas vocation à remettre en cause le fond du texte : il s’agit d’un ajustement de calendrier, pas d’un changement de cap.
D’abord parce que la directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments (EPBD) reste parfaitement inchangée. Le pilotage automatique et la gestion active des équipements techniques demeurent des exigences structurantes à l’échelle de l’Union. La France adapte donc ses délais, mais reste alignée sur la philosophie européenne : rendre les bâtiments plus sobres grâce au pilotage.
Ensuite, parce que le report est pensé pour s’articuler avec les obligations du décret tertiaire. Les deux réglementations se répondent : le tertiaire impose une trajectoire de réduction des consommations à horizon 2030, 2040 et 2050 ; le décret BACS impose de déployer les outils permettant de piloter cette trajectoire. En les alignant, le gouvernement clarifie le message : la conformité technique (BACS) et la performance énergétique réelle (tertiaire) doivent avancer ensemble.
TÉLÉCHARGEZ LE TEXTE EN CONSULTATIONUne confirmation explicite des autres réglementations
Ce report s’inscrit également dans un contexte budgétaire tendu, particulièrement pour les collectivités territoriales, fortement exposées en raison de l’étendue de leur parc bâti. Ces derniers mois, des négociations ont eu lieu autour du décret tertiaire et du décret BACS, tous deux perçus comme des sources potentiellement lourdes d’investissements alors que les budgets sont contraints.
Le signal donné hier est donc net : le décret tertiaire est confirmé. Les enjeux sont trop importants — sobriété nationale, maîtrise des coûts, trajectoire climatique — pour envisager un recul. Aucun assouplissement des objectifs ou du calendrier n’a été annoncé.
De la même manière, le décret BACS est maintenu dans son principe, mais son calendrier est réaligné sur l’échéance structurante du tertiaire : 2030. Ce mouvement simplifie la lecture globale des réglementations et donne aux organisations une fenêtre de cohérence pour planifier leurs investissements.
Enfin, le gouvernement confirme le durcissement des obligations d’audit énergétique et de certification ISO 50001, inscrit dans la loi DDADUE. L’objectif est clair : pousser les organisations vers un pilotage méthodique, documenté et continu de leur performance énergétique. Les audits devront être plus robustes, les plans d’actions plus précis, et les systèmes de management de l’énergie plus diffusés.
Un report cohérent avec les capacités réelles de la filière
Au-delà du signal politique, ce report reflète une réalité : comme souvent lorsqu’une nouvelle obligation technique arrive, la filière n’est pas dimensionnée pour y répondre immédiatement. Les intégrateurs, auditeurs, installateurs et AMO BACS sont encore en nombre insuffisant pour équiper en quelques années l’immense parc tertiaire français.
Ce scénario est classique. La loi impose, la filière s’organise, les maîtres d’ouvrage commencent à se préparer… puis, à l’approche de la première échéance, l’État décale pour éviter un mur opérationnel. On l’a vu en 2015 avec le report de l’audit énergétique réglementaire : la dynamique de structuration avait été enclenchée, mais un délai supplémentaire avait été accordé pour permettre une montée en puissance réaliste.
Le report du BACS s’inscrit exactement dans cette logique. L’objectif reste ferme, mais le tempo est rendu compatible avec les capacités des acteurs et avec les rythmes budgétaires des maîtres d’ouvrage. Autrement dit : ceux qui se préparent maintenant auront un avantage considérable.
BIEN PRÉVOIR SON BUDGET ÉNERGIE 2026 !Prochaines étapes réglementaires : ce qu’il faut faire dès maintenant
Le report ne doit pas être interprété comme une invitation à attendre. Au contraire, plusieurs chantiers deviennent prioritaires et doivent être engagés dès maintenant pour conserver de l’agilité face aux futures échéances.
Dossier Technique de Modulation (DTM)
L’année qui s’ouvre sera structurée par la remise à jour des déclarations OPERAT et par la constitution du DTM, qui permet d’ajuster la trajectoire fixée par le décret tertiaire.
Deux leviers majeurs doivent être activés :
- Ajuster les déclarations à partir des indicateurs d’intensité d’usage, en particulier la durée d’utilisation du site, l’un des paramètres les plus déterminants dans l’évaluation de la consommation de référence. Une meilleure qualification de cet indicateur permet non seulement de refléter fidèlement la réalité énergétique des usages, mais aussi de réduire le nombre de sites soumis à la prochaine étape, en justifiant un usage intensif ou atypique.
- Moduler les objectifs de réduction en s’appuyant sur les critères prévus par la réglementation : TRI des actions, contraintes techniques, architecturales ou patrimoniales, cohérence avec les usages. Cette modulation est essentielle pour construire un plan d’actions réaliste et finançable — et éviter de déclarer des objectifs inatteignables.
Le DTM devient ainsi un outil stratégique : bien construit, il sécurise la conformité, optimise les obligations et aligne les objectifs avec la réalité technique et budgétaire de chaque patrimoine.
Audit BACS : un travail à articuler avec le DTM
Le report ne change rien au fait qu’un projet de mise en conformité BACS nécessite souvent entre 18 et 36 mois : relevés, diagnostic, scénarios techniques, investissements, installation, paramétrage, formation…
L’approche la plus rationnelle consiste donc à réaliser l’audit BACS en parallèle du DTM, sur la même période et avec les mêmes données d’usage et de performance. Cela permet de mutualiser les visites, de réduire les coûts, et surtout d’aligner les plans d’actions tertiaire et BACS, pour construire une trajectoire technique et financière cohérente jusqu’en 2030.


